Depuis la pandémie de Covid-19, le télétravail a connu une expansion sans précédent. Adopté massivement dans l’urgence, il est devenu un mode de travail courant, voire plébiscité par de nombreux salariés. Le télétravail peut être régulier ou occasionnel. Dans tous les cas, la fréquence du télétravail est précisée par l’employeur.
Mais peut-on revendiquer le droit de télétravailler ? Quelles sont les limites que l’employeur peut poser ?
Le cadre légal
Le télétravail est défini par l’article L. 1222-9 du Code du travail comme « toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication ».
Autrement dit, le télétravail permet à un salarié d’effectuer son activité hors des locaux de l’entreprise, avec l’accord de l’employeur. Toutefois, le télétravailleur n’est pas considéré comme un travailleur à domicile.
Il ne s’agit donc pas d’un droit automatique, mais d’une possibilité encadrée.
Il peut être mis en place de différentes façons :
- par un accord collectif ou une charte de l’employeur, après avis du CSE s’il existe.
- ou à défaut, par accord entre le salarié et l’employeur par tout moyen.
Cependant, certaines circonstances exceptionnelles (comme une pandémie ou un cas de force majeure) peuvent imposer temporairement le télétravail sans accord préalable. Dans ces situations, le télétravail est considéré comme un aménagement du poste du travail nécessaire à la continuité de l’activité de l’entretien et à la protection des salariés (article L. 1222-11 du Code du travail).
Lorsque le salarié est un travailleur handicapé ou aidant d’un enfant, d’un parent ou d’un proche, l’employeur doit motiver sa décision de refus.
Le contenu de l’accord ou de la charte
L’article L. 1222-9 du Code du travail précise les modalités pratiques qui doivent être clairement fixées, notamment :
- Les conditions de passage en télétravail et de retour en présentiel,
- Les modalités d’acceptation de la mise en œuvre du télétravail,
- Les modalités de contrôle du temps de travail et/ou de régulation de la charge de travail,
- Les plages horaires pendant lesquelles le salarié doit être joignable,
- Les modalités d’accès à une organisation en télétravail pour les travailleurs handicapés, les salariées enceintes et les salariés aidant d’un enfant, d’un parent ou d’un proche.
L’employeur ne peut pas faire de différence de traitement entre les salariés en présentiel et les salariés en télétravail. Tous ont les mêmes droits légaux et conventionnels. Au même titre, l’employeur ne peut pas faire de distinction entre un salarié en présentiel et un salarié en télétravail pour le versement d’une prime ou d’une augmentation salariale.
Les dispositions relatives aux durées maximales quotidiennes et hebdomadaires, au temps de repos, au temps de pause et au décompte des heures de travail s’appliquent de la même manière qu’à un salarié en présentiel.
Les contreparties aux heures supplémentaires ou complémentaires sont également applicables. « L’employeur [doit mettre] en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur » (CJUE, 14 mai 2019, Federación de Servicios de Comisiones Obreras, C-55/18).
Refus et encadrement
L’employeur peut refuser une demande de télétravail, mais ce refus doit être motivé (incompatibilité du poste, nécessité de présence physique, organisation de l’équipe, etc.).
De même, un salarié peut refuser de télétravailler si cela n’était pas prévu initialement dans son contrat ou dans un avenant.
Enfin, le refus d’accepter un poste de télétravailleur n’est pas un motif de rupture du contrat.
Législation concernant l’accident du travail
L’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail, pendant l’exercice de l’activité salariée du travailleur, est présumé être un accident du travail au sens de l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale (article L. 1222-9 du Code du travail).
Si une présomption existe, elle peut être renversée. Dans un arrêt du 15 juin 2023, la Cour d’Appel d’Amiens précise qu’une chute accidentelle survenue 1 minute après la journée de travail n’est pas considérée comme un accident de travail. Un autre arrêt de la Cour d’appel de Saint Denis de La Réunion du 04 mai 2023 invalide également l’accident survenu pendant le télétravail d’un salarié qui est sorti sur la voie publique pendant ses horaires de télétravail.
Par contre, le salarié ne peut pas exercer partout son télétravail. Les lieux doivent être définis dans l’accord collectif ou la charte. Il peut s’agir, par exemple :
- Du domicile du salarié,
- Dans un bureau partagé (coworking),
- Dans tout autre lieu où le salarié effectue de nombreux déplacements.
Obligations de l’employeur envers le salarié en télétravail (article L. 1222-10 du Code du travail)
Concernant le matériel de travail, l’employeur doit fournir, installer et entretenir les équipements nécessaires au télétravail lorsqu’il s’effectue au domicile. Si le salarié utilise son propre équipement, l’employeur doit en assurer l’adaptation et l’entretien.
L’employeur a également l’obligation de protéger les données utilisées et traitées par le salarié, que son matériel soit celui de l’entreprise ou le sien.
Dans le même ordre d’idée, l’employeur doit informer les salariés de toute restriction d’usage des équipements ou outils informatiques ou de communication électronique. Cette information doit prévenir les sanctions encourues en cas de non-respect.
L’employeur doit également donner priorité d’accès à un poste sans télétravail correspondant aux qualifications et compétences professionnelles du salarié. Il doit informer le salarié de tout poste disponible.
L’employeur doit également organiser un entretien qui porte sur les conditions d’activité du salarié et la charge de travail. Cet entretien n’est ni un entretien professionnel, ni un entretien d’évaluation.
Frais liés au télétravail
En principe, l’ordonnance du 2 septembre 2017 supprimait l’obligation d’une indemnité liée au télétravail. Seule exception : si le salarié n’avait aucun local professionnel. Dans ce cas, l’employeur devait lui verser une indemnité d’occupation.
Cependant, la Cour de cassation parait élargir ce droit à une indemnité d’occupation (Cass, soc, 19 mars 2025, n°22-17.315). Elle indique que « l’occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans sa vie privée, de sorte qu’il peut prétendre à une indemnité à ce titre dès lors qu’un local professionnel n’est pas mis effectivement à sa disposition ou qu’il a été convenu que le travail s’effectue sous la forme du télétravail ».
L’employeur doit prendre en charge les frais engagés par un salarié dans le cadre de la réalisation de son contrat de travail. La prise en charge des frais liés au télétravail s’effectue sur une base forfaitaire ou sur les dépenses réellement engagées (factures à l’appui).
Cette décision récente de la Cour de cassation a été validée dans un nouvel arrêt le 02 avril 2025. Malgré tout, l’Urssaf ne donne aucune information supplémentaire sur l’indemnité d’occupation, ni son montant.
Concernant les frais de transport, comme pour un salarié en présentiel, l’employeur prend en charge 50% du prix des abonnements du salarié pour ses déplacements entre sa résidence habituelle et son lieu de travail.
Ce que cela implique en pratique
Le télétravail doit donc être considéré comme un mode de travail à part entière. Le salarié en télétravail doit donc respecter les mêmes obligations qu’un salarié en présentiel. Le contrat de travail s’applique de la même manière. Il suppose un minimum d’autonomie, mais aussi une bonne organisation managériale pour éviter l’isolement, les dérives de surconnexion ou le sentiment d’être moins visible.
Il est conseillé de formaliser le télétravail par écrit en l’absence d’accord collectif ou de charte, pour sécuriser la relation de travail.